Historique sur la contraception et l’avortement au Canada
1869
Le Parlement vote une loi qui prohibe l’avortement. L’avorteur, l’avorteuse ou l’avortée sont passibles d’emprisonnement à perpétuité et la femme qui provoque son propre avortement risque 7 ans de prison.
[Source : Histoire des femmes au Québec, Collectif Clio, p. 186 et http://web.idirect.com/~cbctrust/CHRONOLO.PT1.html]
1892
La distribution d’information et de matériel contraceptif ou abortif devient illégale. « Est coupable d’un acte criminel et passible de deux ans d’emprisonnement celui qui (…) offre en vente, annonce pour les vendre ou en disposer, quelque médecine, drogue ou article destiné ou représenté comme servant à prévenir la conception ou à causer l’avortement ou une fausse couche, ou publie une annonce de cette médecine drogue ou article. »
[Source: 63-64 V. c 46 art. 3 et https://www.lareau-legal.ca/CodeCriminel1906ANNEXES.pdf et http://web.idirect.com/~cbctrust/CHRONOLO.PT1.html]
1924
Certains témoignages rapportent qu’il existe environ 25 maisons où sont effectuées des opérations (avortements) illégales à Montréal. Ces lieux sont gardés secrets. Conséquemment, les avortements sont pratiqués dans des conditions insalubres, et souvent, par des charlatans sans expérience. Ce qui amène des risques énormes pour la santé des femmes qui utilisent ces services.
1936
Dorothea Palmer est arrêtée et accusée en vertu du Code criminel qui interdit toute promotion et vente de matériel contraceptif. À Eastview (aujourd’hui Vanier), banlieue canadienne-française de la région d’Ottawa, l’infirmière, employée par le Parent’s Information Bureau de Kitchener, visite les familles nombreuses pour leur offrir du matériel contraceptif ainsi qu’une brochure décrivant pas moins d’une douzaine de méthodes contraceptives.
[Source : Histoire des femmes au Québec, Collectif Clio, p. 267 et http://web.idirect.com/~cbctrust/CHRONOLO.PT1.html]
1962
Selon le bureau fédéral de la statistique, 57 617 admissions hospitalières sont dues à des complications liées à l’avortement. Il s’agit de la principale cause d’hospitalisation. Suivant la loi, les femmes doivent enfanter ou s’abstenir de relation sexuelle.
Rappelons que de 1892 à 1969, il est même interdit de diffuser toute information sur la contraception ainsi que l’annonce et la vente de produits contraceptifs.
1967
Dépôt d’un projet de loi de type « Omnibus » par le libéral, Ministre de la justice, Pierre Élliott Trudeau. Le projet de loi vise à modifier 120 articles et plusieurs éléments dont ceux qui touchent aussi l’avortement*, au Code criminel du Canada.
1969
Les choses commencent à changer à partir du 14 mai 1969. Le Bill Omnibus est adopté à la Chambres des communes. Dorénavant, on permet les avortements (thérapeutiques) sous certaines conditions. Une femme qui souhaite se faire avorter peut faire une demande à un comité thérapeutique, qui est formé d’au moins trois médecins et parfois d’un travailleur social. Généralement, seuls des hommes siègent à ce comité. De plus, des militants « Pro-vie » (groupe contre l’avortement) parviennent à se faire élire au sein de ces comités. Ce comité n’est pas accessible dans tous les hôpitaux. Les médecins déterminent alors s’il y a danger pour la vie ou la santé de la femme de poursuivre la grossesse. Si tel est le cas, la permission d’avorter lui est accordée. Toutefois, l’avortement reste quand même très difficile puisque la plupart des demandes sont rejetées presque systématiquement, lorsqu’une femme peut accéder à un tel comité. La stratégie du comité est aussi de rendre la réponse tardivement afin de ne plus permettre de procéder à l’avortement de façon sécuritaire.
1969
Le Montréal Women’s Liberation Mouvement est fondé et appuie l’ouverture de la première clinique du Dr Henry Morgentaler.
[Gazette des femmes, janvier 2000, p. 27]
1970
Le Parlement décriminalise la contraception et l’homosexualité. « Mais l’avortement demeure un crime : par mesure d’exception, les avortements pourront être pratiqués dans un hôpital sur autorisation d’un “ comité thérapeutique ” formé d’au moins trois médecins. »
[Source : Histoire des femmes au Québec, Collectif Clio, 1992, p. 542 et http://web.idirect.com/~cbctrust/CHRONOLO.PT1.html]
1971
À l’occasion du 8 mars, la cellule Avortement (ou Cellule X) du Front de Libération des Femmes (FLF) organise une manif et un colloque pour sensibiliser les femmes à la question de l’avortement et pour réclamer auprès du gouvernement, l’avortement libre et gratuit sur demande. Certaines militantes donnent aussi un coup de main au Service d’information et de référence en contraception et avortement de la rue Sainte-Famille (Montréal) qui fonctionne en collaboration avec le Women’s Lib depuis 1970, mais dont le FLF assume maintenant seul la permanence. Depuis janvier 1971, Martine Éloy, travailleuse à temps plein au Service d’information et de référence est militante bilingue à la cellule X.
[Les éditions du remue-ménage, Marjolaine Péloquin, En prison pour la cause des femmes; La conquête du banc de jurés, 2007 p. 23]
1974
Premier Comité de lutte pour l’avortement et la contraception libres et gratuits est formé de représentantes de la Centrale de l’enseignement du Québec (CEQ), de l’Association pour la défense des droits sociaux (ADDS) et du Centre des femmes. Ce comité publie le manifeste Nous aurons les enfants que nous voulons.
[Collectif Clio, L’histoire des femmes du Québec, p. 543 et Diane Lamoureux et al., Femmes en mouvement. Trajectoires de l’AFÉAS 1966-1991, Boréal, 1993, p. 65 et aussi les dates 1969, 1971,1972, 1973, 1978, 1988 et 1989]
1975
Le Comité de lutte pour l’avortement et la contraception libres et gratuits publie un document de 46 pages « le Dossier spécial sur l’avortement et la contraception libre et gratuit : on est de 10 000 à 25 000 à avorter chaque année »
[Collectif Clio, L’histoire des femmes du Québec, p. 543 et Diane Lamoureux et al., Femmes en mouvement. Trajectoires de l’AFÉAS 1966-1991, Boréal, 1993, p. 65 et aussi les dates 1969, 1971,1972, 1973, 1978, 1988 et 1989]
1975
Cinq militantes féministes et marxistes fondent le Centre de santé des femmes du quartier Plateau Mont-Royal, mieux connu sous le nom Centre de santé des femmes de Montréal (CDSFM). Il s’agit du premier centre de santé des femmes en milieu francophone, destiné à offrir des services en matière d’avortement, entre autres.
[Trait d’union 1999, Mémoires d’une bataille inachevée; la lutte pour l’avortement au Québec, p.129-130. Louise Deamarais]
2 avril 1977
Malgré le froid et la grêle, 2 000 femmes défilent dans les rues de Montréal pour le droit à l’avortement libre et gratuit. Il s’agit d’une première manif d’envergure organisée par le Comité de lutte.
[Voir aussi les dates 1969, 1971,1972, 1973, 1974, 1978, 1988 et 1989]
[Trait d’union 1999, Mémoires d’une bataille inachevée; la lutte pour l’avortement au Québec, p.162, Louise Deamarais]
1978
Le gouvernement du Parti québécois, sous la pression des militantes féministes, crée des cliniques de planning des naissances dotées de services d’avortement appelées « cliniques Lazure » du nom du ministre de la Santé d’alors. En agissant ainsi, le gouvernement du Québec, n’ayant aucun pouvoir en matière de législation pour décriminaliser l’avortement, fait porter son intervention sur l’accessibilité du service aux femmes.
[Collectif Clio, Histoire des femmes au Québec, Le Jour, éditeur, 1992, p. 544 .Voir aussi les dates 1969, 1971,1972, 1973, 1974, 1978, 1988 et 1989]
28 janvier 1988
La Cour suprême déclare inconstitutionnel l’article 251 du Code criminel rendant l’avortement illégal, cet article allant à l’encontre des dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés parce qu’il enfreint le droit des femmes à « la vie, la liberté et la sécurité de leur personne »
7 novembre 1989
Le Collectif pour le libre choix de Sherbrooke , qui opère depuis déjà deux ans au sein de la Coalition pour l’avortement libre et gratuit, est légalement incorporé en vertu de la partie III de la loi sur les compagnies du Québec et a pour objet :
« Regrouper les groupes et les individues en vue de défendre le droit pour les femmes à l’avortement libre et gratuit; étudier, rechercher, monter de la documentation, faire de la formation, de l’information et autres aux fins pré-citées. Organiser des rencontres, des débats, des manifestations de toute sorte à ces fins. Et ce, dans la région de Sherbrooke. »
novembre 1989
Par son jugement dans l’affaire Chantal Daigle c. Jean-Guy Tremblay, la Cour suprême confirme qu’une tierce personne, fût-elle le père présumé, ne peut s’opposer à la décision d’avortement d’une femme.
[Québec (Gouvernement du), Conseil du statut de la femme, La lente progression des femmes p. 6 et http://web.idirect.com/~cbctrust/CHRONOLO.PT1.html]
31 janvier 1991
Le projet de loi C-43, loi pour re-criminaliser l’avortement est défaite par le Sénat (140 voix pour et 131 voix contre). L’avortement est maintenant traité comme un acte médical gouverné par les règlements médicaux et provinciaux.
[Traduit de http://web.idirect.com/~cbctrust/CHRONO.PT1.html]
30 octobre 1997
Dans un jugement majoritaire, les juges de la Cour suprême du Canada statuent que rien dans notre système de droit ne permettait d’interner une femme enceinte toxicomane pour la forcer à suivre un traitement dans le but de sauver le fœtus qu’elle porte. Sept des neufs juges ont ainsi donné raison à une jeune femme à qui la Cour du banc de la reine du Manitoba avait ordonné l’année précédente, à la demande des services sociaux de Winnipeg, d’être détenue dans un centre pour y être traitée. L’Association canadienne pour le droit à l’avortement s’est réjouie du jugement. L’avocate Martha Jackman note que le Parlement ne pourrait changer l’état du droit sans porter atteinte de façon excessive aux droits des femmes.
[Le Devoir, 1er et 2 novembre 1997, p. 1. et Le Soleil, 1er novembre 1997.] (Lire article à ce sujet)
19 novembre 1998
Le Dr Henry Morgentaler et d’autres médecins pratiquant des avortements en clinique privée demandent au gouvernement du Québec que les frais de ces avortements soient remboursés en totalité comme c’est le cas lorsque les avortements sont pratiqués à l’hôpital. Environ 30 000 avortements sont pratiqués chaque année au Québec dont 30 % dans les cliniques privées et ces cliniques auraient la capacité pour en pratiquer davantage.
[Le Devoir (PC), 20 novembre 1998.]
10 novembre 1999
La Fédération pour le planning des naissances du Canada annonce que Santé Canada a approuvé la commercialisation de PREVEN(R), le premier et seul contraceptif d’urgence mis en marché par Roberts Pharmaceuticals. Ce contraceptif permettra aux Canadiennes de prévenir une grossesse non planifiée plutôt que de l’interrompre. Selon la Fédération, une grossesse non planifiée survient toutes les trois minutes au pays, et un avortement, toutes les cinq minutes.
[Communiqués-Telbec-Montréal, 10 novembre 1999]
28 septembre 2008
Journée pancanadienne d’action contre le projet de loi C-484, et pour le droit à l’avortement. Le plus grand rassemblement depuis 20 ans. À Montréal, 20 000 personnes se sont rassemblées au Parc Lahaie pour ensuite marcher dans les rues pour défendre le droit à l’avortement.
Depuis toutes ces années, les militants doivent constamment lutter contre différents projets de loi, motions et autres, afin de maintenir l’accessibilité aux services d’avortements libres et gratuits, sains et sécuritaires pour toutes les femmes.
29 mai 2013
Décès du Dr Henry Morgentaler à Toronto.
*À l’époque, l’article 159, 221, 251, 252 du code criminel canadien faisaient allusion à l’avortement :
159 – (Infraction tendant à corrompre les mœurs)
Interdit formellement toute offre, annonce, vente ou disposition de produits, de drogues, de médicaments, ou d’articles destinés à provoquer un avortement ou une fausse couche.
221 – (Fait de tuer, au cours de la mise au monde, un enfant non encore né)
Reconnaît coupable d’un acte criminel et paisible d’un emprisonnement à perpétuité toute personne qui, au cours de la mise au monde, cause la mort d’un enfant qui n’est pas devenu un être humain, de telle manière que, si l’enfant était un être humain, cette personne serait coupable de meurtre. C’est pour ainsi dire, un crime d’infanticide au cours de la mise au monde qui est visé par l’article 221 du Code criminel canadien.
251 – (Avortement)
Reconnaît coupable d’un acte criminel et paisible d’un emprisonnement à perpétuité quiconque emploie quelque moyen que ce soit pour procurer l’avortement à une personne de sexe féminin. Reconnaît coupable toute femme qui, enceinte, emploi, ou permet que soit employé, quelque moyen que ce soit en vue d’obtenir son propre avortement.
252 – (fournir des substances délétères)
Reconnaît coupable d’un acte criminel et paisible d’un emprisonnement de deux ans quiconque fournit des substances délétères sachant qu’elles sont destinées à être employées pour obtenir l’avortement d’une femme.